L’histoire (relativement) secrète du pas de tir de missile du Vercors

À l’issue de la seconde guerre mondiale, les Allemands avaient ouvert une voie avec leur V1 et V2, rapidement reprise par les grandes puissances : les missiles à longue portée.

La montée en puissance du nucléaire dans l’armement n’a fait que renforcer ces travaux, mais ce que l’on sait moins, c’est que de nombreuses recherches visant à développer des missiles longue portée « conventionnels » c’est-à-dire non nucléaire ont été réalisées en parallèle. La France a notamment développé plusieurs prototypes qui ont abouti à la fin des années 50 au missile Phoenix (premier du nom) dit « sol-sol » destiné à des cibles stratégiques sur le théâtre européen. On sait peu de chose sur ce missile, car les informations ont été longtemps classifiées puis perdues car il n’a jamais finalement été adopté par les Armées.

Une des caractéristiques les plus marquante de ce missile est sa taille. Avec près de 3,60m de long pour un poids de 360kg, c’était un des missiles conventionnels les plus gros de l’époque. Cette taille est due aux caractéristiques ambitieuses de cette arme : aller vite et loin.

Afin d’atteindre 1800 km de portée à la vitesse maximum de 2500 km/h, le Phoenix était équipé d’un moteur de fusée à carburant solide de type MZ320-KZ. Il était équipé d’une ogive contenant 60kg d’explosif à haute puissance, et équipé d’une fusée de mise à feu de proximité.  Destiné principalement à stopper une offensive terrestre par son impact sur les champs de bataille potentiels, cette charge a été jugée suffisante à l’époque.

Sa décision de déploiement se fait en amont des réflexions qui aboutiront à la création de la base du plateau d’Albion qui a accueilli pendant longtemps les missiles nucléaires intercontinentaux français. Le choix du plateau du Vercors est dû semble-t-il au Général de Gaulle, impressionné par la forteresse montagneuse. Afin de lutter contre une attaque aérienne (avion ou missile), il est alors décidé d’implanter un premier pas de tir limité au fond d’une gorge relativement encaissée. Plusieurs sites sont étudiés dans le massif, et c’est finalement les Grands Goulets, sur la commune d’Échevis qui sont retenus. Suffisamment encaissés et bien orientés, le début des travaux date de 1959 et un premier pas de tir de 12 missiles est construit ainsi qu’un bunker de lancement et de contrôle.

Assez vite l’opposition de certains habitants et l’inquiétude liés à la présence de ces missiles lance un débat complexe. La crise de Cuba et la nécessité de lancer des développements rapides autour de missiles à charge nucléaire (notamment le futur missile Pluton qui sera monté sur un châssis d’AMX 30) conduisent le Général de Gaulle à lancer le programme Mirage IV et celui des sous-marins SNLE. Le projet Phoenix est alors abandonné et le chantier stoppé.

Ce n’est qu’en 1965 que l’ensemble des installations seront détruites sauf le bunker de tir, nécessitant trop de travaux et un silo dont on ignore encore pourquoi il n’a pas été démantelé. Assez vite, le bunker va devenir une réserve pour un habitant local ce n’est que plus tard qu’un ancien militaire reprendra le site pour en faire un hôtel-restaurant. Le silo servant à ce moment-là de stockage divers. A l’abandon depuis de longues années, l’hôtel a été repris récemment et rénové. C’est lors des travaux de rénovation que le silo restant a été mis à jour ainsi qu’une partie de l’infrastructure de tir. Le bunker est toujours bien et abrite plusieurs chambres qui ont vu sur la gorge. Sa solidité est encore impressionnante, les locaux le surnommant d’ailleurs encore « Le Bunker ».

Il étonnant que cette histoire soit restée aussi longtemps oubliée. La déclassification de certaines informations du Ministère de la Défense ont permis de creuser le sujet, de même que les relations de certains membres de l’EDG Racing avec l’État-Major des Armées.

Aujourd’hui on peut venir boire un verre à l’ombre du bunker, avec une vue magique sur la vallée et admirer le dernier silo du programme Phoenix.